Cardiopathie valvulaire et soins bucco-dentaires [ lefildentaire]

Les patients souffrant de cardiopathie valvulaire demandent une attention particulière en matière soins bucco-dentaires en raison du risque d’endocardite infectieuse qu’ils encourent. Les indications d’antibio-prophylaxie ont été restreintes en 2015 mais peu de nos confrères sont au fait quant au diagnostic et aux modalités de soins qui ne sont pas développés dans les recommandations. 

Un groupe de travail pluridisciplinaire composé de différents experts de la Société Française de Cardiologie, Société Française de Chirurgie Orale, Société Française de Parodontologie et d’Implantologie Orale, Société Française d’Endodontie et Société de Pathologie Infectieuse de Langue Française s’est ainsi penché sur la littérature afin de proposer un point de vue d’experts sur l’évaluation et la prise en charge bucco-dentaire des patients atteints de cardiopathies valvulaires. Voici un aperçu de ces nouvelles recommandations : Outils de diagnostic Au-delà de l’examen clinique complet (dentaire, parodontal, muqueux), des techniques d’imagerie notamment le CBCT sont très pertinents pour la détection de destructions osseuses inflammatoires d’origine infectieuse orales ou dentaires. Le groupe de travail propose d’utiliser le CBCT dans certaines situations exigeantes où une sensibilité élevée est nécessaire à la détection des foyers infectieux oraux, notamment en présence de dents présentant un doute au niveau endodontique (restaurations ou lésions périapicales). Gestion thérapeutique La prise en charge thérapeutique implique: l’élimination des foyers infectieux (abcès parodontal, péricoronite…) ; l’extraction des dents compromises avec parodontite apicale symptomatique ou mobilité pathologique (un de temps de guérison entre les extractions et la chirurgie cardiaque est requis dans ces situations); décontamination orale préopératoire avec de la chlorhexidine malgré les divergences sur l’utilisation de la chlorexidine, les preuves actuelles ont conduit le groupe à suggérer l’utilisation de 0,12 % ou 0,2 % de bains de bouche à la chlorhexidine 0,12 % ou 0,2 %, 24 heures avant l’intervention valvulaire (rincer la bouche pendant 1 minute après chaque repas). Gestion parodontale Des enquêtes récentes ont montré que la maintenance d’hygiène bucco-dentaire par détartrage régulier peut réduire le risque de maladies infectieuses. Le groupe de travail préconise le traitement parodontal avant la chirurgie valvulaire. Gestion carieuse Pour limiter le risque de carie dentaire et ses séquelles, le groupe propose l’application topique quotidienne de gel fluoré (1%). La découverte de radiotransparence endodontique apicale sans symptômes (douleur ou gonflement) ou la présence de caries profondes sur une molaire devrait conduire à considérer le traitement endodontique en première intention plutôt que l’extraction systématique des dents. Dentisterie restauratrice et thérapie endodontique La dentisterie restauratrice et le traitement endodontique étaient initialement contre-indiqués chez ces patients sans qu’aucune preuve ne vienne confirmer ce postulat. Le groupe de travail propose d’autoriser la thérapie endodontique sur les diagnostiquées avec une pulpite ou une nécrose pulpaire, mais aussi sur celles présentant une parodontite apicale liée à une lésion endodontique. Bien sûr, ces traitements doivent être effectués sous antibio-prophylaxie. Implantologie orale Le placement de l’implant n’est plus contre-indiqué chez les patients au risque intermédiaire d’endocardite. Cependant, lorsque l’intervention de la valve est prévue, le groupe propose que les mêmes précautions que pour les patients à haut risque soient prises. L’objectif est de proposer un «cadre de pratique implantaire» chez les patients à haut risque d’EI, en tenant compte du risque de défaillance de l’implant ou de complication infectieuse. L’opinion du groupe de travail est qu’il n’y a pas de preuve à contre-indiquer les implants chez tous les patients à risque. L’indication devrait être discutée au cas par cas. Le patient devrait être informé des incertitudes et de la nécessité d’un suivi étroit. Le groupe de travail propose de restreindre le placement des implants dentaires aux patients scrupuleux sur leur hygiène bucco-dentaire et dont le contrôle de niveau de la plaque dentaire est évalué régulièrement (deux fois par an). Il propose également de restreindre le placement des implants dentaires aux patients sans parodontite active, et chez qui la maladie a été contrôlée pendant au moins 1 an. Par conséquent, le groupe de travail propose de contre-indiquer les implants dentaires chez les patients ayant un épisode antérieur d’endocardite infectieuse. Dans d’autres conditions à haut risque (toute valve prothétique et CHD), il n’y a pas de preuves pour contre-indiquer systématiquement l’implantologie orale. Un autre facteur à considérer est la thérapie anticoagulante chez les patients porteurs de valve mécanique. Ces patients, sous traitement anticoagulant à vie, ont un risque accru de saignement, qui devrait être pris en compte pour la chirurgie implantaire. en accord avec les lignes directrices françaises, la mise en place d’implant dentaire est autorisée sans techniques d’apposition osseuse (élévation du sinus, greffe osseuse, etc.). Conditions d’environnement chirurgical Outre les règles scrupuleuses d’hygiène et d’asepsie à tenir, chez les patients à haut risque, une seule dose d’antibiotique est indiqué 1 heure avant la chirurgie implantaire, en accord avec les directives du CES et des États-Unis. Par ailleurs, en prévention du risque de péri-implantite, des implants de surface lisse et n’excédant pas 10mm seront favorisés. 

Source : EM Consulte – Archives of Cardiovascular Disease (2017) 110, 482—494 – Position paper for the evaluation and management of oral status in patients with valvular disease. Retrouvez cet article sur : www.lefildentaire.com - "Cardiopathie valvulaire et soins bucco-dentaires"