Polémique sur les prothèses dentaires importées

Les dents fabriquées à l'étranger, notamment en Chine, ne font l'objet en France de contrôles sanitaires ni de la part des fabricants ni des autorités de santé.

L'Ordre national des chirurgiens-dentistes estime qu'aujourd'hui, 15 % des dents en céramiques posées aux patients français sont fabriqués à l'étranger. Mais l'Union nationale patronale des prothésistes dentaires (UNPPD) avance, lui, celui de 30 %. C'est dans ce contexte que le congrès de l'Association dentaire française, qui se tient actuellement à Paris, a mis l'accent sur la difficile traçabilité des fausses dents.

Pour améliorer la situation, les pouvoirs publics ont décidé qu'en mars 2010 au plus tard, chaque prothèse devra être accompagnée de la déclaration de conformité du fabricant. Le patient pourra savoir qui a conçu sa dent en céramique. Mais l'UNPPD a une idée plus radicale. «Nous voulons que la prothèse soit facturée séparément de l'acte médical. Ceci permettrait aux patients de savoir le vrai prix de leur céramique et donc d'en connaître sa provenance», martèle Maurice Dauvois, président de l'UNPPD.

Rien d'autre finalement que ce qui se passe pour les poses de prothèses de hanche, cas pour lequel le patient connaît tout le détail de la facture qui lui est présentée. En matière de dent, on est encore loin d'une telle transparence.

«Quand les représentants du laboratoire où je me fournissais démarchaient pour me présenter leurs prothèses, ils ne m'ont jamais précisé où elles étaient fabriquées», raconte cette chirurgien-dentiste parisienne qui, depuis qu'elle a appris que les céramiques qu'elle achetait venaient de Chine, ne travaille plus avec lui. «Le certificat délivré par les fabricants chinois peut être falsifié et à mon niveau, il est impossible de vérifier la composition exacte d'une dent», relève encore cette dentiste.

«Contrôles impossiblesà réaliser et quasi inexistants»

Un comportement que confirme Maurice Dauvois : «Certains labos cachent qu'ils travaillent à l'étranger. Ce qui leur permet de vendre les prothèses importées au même prix que celles faites en France.» Sans oublier que ces prothèses sont accusées de tous les maux : trop de plomb, trop fragiles. Du moins par les prothésistes français, puisque le Conseil national de l'ordre des chirurgiens dentistes estime, par la voix de son président Christian Couzinou, «qu'il n'y a aucun problème avec les dents réalisées à l'étranger». Mais comment le savoir ? La réponse est très simple : aujourd'hui en France, «les contrôles sont impossibles à faire et quasi inexistants», confient des experts de la Direction générale de la santé et de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.

Pour l'instant, l'Afssaps n'a pas eu connaissance d'incident sur des prothèses d'importation, mais Jean-Claude Ghislain, directeur de l'évaluation des dispositifs médicaux, relève que «le recours à des fabricants, c'est-à-dire des responsables de la mise sur le marché, hors Union européenne, se développe. Or le statut juridique de ces opérateurs n'est pas facile à vérifier», regrette-t-il.

Yves Scialom, le patron de Labocast, le plus grand fabricant français de prothèses (il en réalise plus de 450 000 par an) explique que 95 % des dents qu'il vend sont faites à l'étranger, pour un tiers dans la filiale qu'il dirige à Madagascar et pour deux tiers en Chine, chez un sous-traitant qui emploie 3 000 personnes. «Nous avons monté notre entreprise sur un pari : puisque l'on fabrique beaucoup de choses en Chine, pourquoi pas des prothèses dentaires ?» explique-t-il. Il estime qu'un dentiste a plusieurs types de «clients» et qu'il doit donc avoir le choix entre différents produits. «La dent malgache est moins maquillée, c'est une céramique purement fonctionnelle», note-t-il. Une raison, selon lui, pour laquelle les dentistes la proposent plutôt aux patients dont les revenus sont les plus faibles, à savoir aux bénéficiaires de la couverture maladie universelle (CMU). Il faut dire que, dans cette histoire, l'argent a une place importante. Yves Scialom confie ainsi qu'une dent fabriquée à Madagascar coûte 40 euros, 66 euros si elle vient de Chine et 115 euros si elle est «made in France». Sachant que la pose d'une couronne est facturée par le chirurgien-dentiste entre 450 et 1 000 euros au patient.

L'existence de tous ces intermédiaires pose la question de la responsabilité en cas de prothèse défaillante. Pour Christian Couzinou, si fraude il y a dans la fabrication des céramiques, elle ne peut venir «que des laboratoires mais les dentistes ne peuvent rien faire». Il semble donc urgent de mettre en place des garde-fous.

source : lefigaro.fr