Le dessin de l’« homme de Vitruve » par Léonard de Vinci : la vraie source, en l’absence de code

L’homme inscrit dans un cercle et dans un carré, réalisé sur le même dessin par Léonard de Vinci (1452-1519), illustre un passage du livre « De Architectura » de Vitruve (Marcus Vitruvius Pollo, 1er siècle avant Jésus-Christ,actif sous Jules César et Auguste) que la renaissance a réédité et adulé.










Léonard de Vinci, circa 1490 : "l'homme de Vitruve"
Noter l'échelle de mesure au dessous du dessin qui comporte plusieurs repères linéaires. Gallerie dell'Academia, Venise, 344x245 mm



Les proportions de l'homme ne concernent qu'un passage relativement court (781 mots latins) dans le chapitre 1 du livre III, essentiellement les paragraphes 2 et 3 dont nous citons les principales lignes concernées, extraites du texte établi et traduit par Pierre Gros (Paris, les belles lettres, 2003) :

§. 2 « La nature a en effet ordonné le corps humain selon les normes suivantes : le visage, depuis le menton jusqu'au sommet du front et à la racine des cheveux vaut le dixième de sa hauteur, de même que la main ouverte, depuis l'articulation du poignet jusqu'à l'extrémité du majeur : la tête, depuis le menton jusqu'au sommet du crâne, vaut un huitième ; du sommet de la poitrine mesuré à la base du cou jusqu'à la racine des cheveux on compte un sixième ; du milieu de la poitrine au sommet du crâne, un quart. Quant au visage, le tiers de sa hauteur se mesure de la base du menton à la base du nez ; le nez, de la base des narines jusqu'au milieu de la ligne des sourcils, en vaut autant ; de cette limite jusqu'à la racine des cheveux on définit le front qui constitue ainsi le troisième tiers. Le pied correspond à un sixième de la hauteur du corps, l'avant-bras à un quart, ainsi que la poitrine. Les autres membres ont également des proportions spécifiques, qui les rendent commensurables entre eux.... »

§.3 « …Le centre du corps humain est en outre par nature le nombril ; de fait, si l'on couche un homme sur le dos, mains et jambes écartées, et qu'on pointe un compas sur son nombril, on touchera tangentiellement, en décrivant un cercle, l'extrémité des doigts de ses deux mains et de ses orteils. Mais ce n'est pas tout : de même que la figure de la circonférence se réalise dans le corps, de même on y découvrira le schéma du carré. Si en effet mesure est prise d'un homme depuis la plante des pieds jusqu'au sommet de la tête et qu'on reporte cette mesures sur la ligne définie par ses mains tendues, la largeur se trouvera être égale à la hauteur, comme sur les aires carrées à l'équerre. »

La célébrité du dessin de Léonard de Vinci est liée à la qualité extrême du dessin par l'un des plus grands peintres de la renaissance ; à l'exactitude du rendu des proportions suivant fidèlement le texte de Vitruve dans la continuité d'une longue tradition gréco-romaine ; à l'inventivité d'un des plus puissants génies de la visualisation créatrice de tous les temps ; à un véritable esprit scientifique puisque Léonard de Vinci est connu pour avoir pratiqué lui-même plusieurs dizaines de dissections du corps humain, et de nombreuses coupes.

La synthèse des deux figures sur le même corps central en ne dédoublant que les membres scapulaires (supérieurs) et pelviens (inférieurs) dont le gauche est de profil pour apprécier la longueur du pied et donner de l'assise à la base, sont les derniers traits de génie qui font de cette image une véritable icône. Elle est souvent utilisée comme logo de congrès médicaux et à des entreprises, souvent d'affiche et se retrouve volontiers en dessin détourné. Enfin en 2003, le roman de Dan Brown : « Da Vinci code » où ce dessin occupe une position clef, l'ancre à nouveau par la littérature à grand tirage dans l'imaginaire collectif. Il faut savoir gré à Léonard de Vinci de cristalliser par son dessin l'Anatomie dans une dynamique de recherche et de l'asseoir pour toujours dans le domaine scientifique.