Prothèses dentaires : les praticiens promettent plus de transparence

Les chirurgiens-dentistes ont saisi l'occasion du congrès de l'Association dentaire française (ADF), qui s'est tenu du 25 au 29 novembre à Paris, pour présenter leur nouvelle charte promettant "transparence, traçabilité et éthique". L'enjeu ? La sempiternelle question du prix des prothèses dentaires. A la problématique antienne des dépassements d'honoraires est venue s'ajouter celle, nouvelle, de la mondialisation. Selon une enquête menée par le magazine Capital, des dentistes poseraient des prothèses fabriquées en Chine à bas coût sans répercuter la baisse de prix sur la facture du patient, s'assurant ainsi des marges plus que confortables.

Face à ces accusations, la profession tente de se défendre et rappelle "les bonnes pratiques en matière de réhabilitation prothétique". Il est désormais conseillé au patient de réclamer non seulement un devis, mais aussi une fiche de traçabilité indiquant l'origine de la prothèse et les matériaux utilisés. "80 % des prothèses sont fabriquées en France", assure Christian Couzinou, président du Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes. Quant aux produits en provenance de Chine, "que les douanes françaises fassent des contrôles !", rétorque le docteur Patrick Hescot, secrétaire général de l'ADF et président de l'Union française pour la santé bucco-dentaire (UFSBD).

La nouvelle charte de l'ADF insiste sur les prix des prothèses dentaires.

Comme le titrait en 2007 le magazine de consommateurs Que Choisir, les prothèses dentaires c'est "De l'or en bouche". En 2007, six millions de prothèses ont été posées. Elles représentent un tiers de l'activité des 40 000 chirurgiens-dentistes mais deux tiers de leurs revenus. Déjà, en 1998, la Cour des comptes dénonçait, dans son rapport annuel, "l'opacité des prix des prothèses dentaires". Comment en est-on arrivé là ? Depuis trente ans, la convention nationale signée entre les dentistes et l'assurance-maladie est a

insi faite que les tarifs sont opposables sur les soins conservateurs (carie, détartrage, dévitalisation, etc.), mais libres sur les soins prothétiques. "Comme nous perdons de l'argent sur les soins conservateurs, nous récupérons le manque à gagner sur les prothèses", justifie le docteur Patrick Hescot qui dénonce la non-adaptation de la nomenclature des actes aux progrès techniques.

D.R.
La nouvelle charte de l'ADF insiste sur les prix des prothèses dentaires.

"Les soins prothétiques ont longtemps été perçus comme moins importants que les soins conservateurs", explique-t-on à l'assurance-maladie. Il fut une époque où l'on considérait qu'on pouvait vivre sans une dent et que les prothèses relevaient davantage de l'esthétique. L'importance de restaurer une dent abîmée ou cassée, pour éviter des répercussions délétères sur la dentition, n'est plus à prouver.

Au fil des décennies, les tarifs des soins des caries ou des détartrages n'ont pas été revalorisés. Résultat : ceux des prothèses se sont envolés "dans une anarchie sans limite", considère Daniel Lenoir, directeur général de la Mutualité française. Facturée 750 euros en moyenne, une couronne n'est remboursée que 75,25 euros par la Sécurité sociale. Globalement, une prothèse dentaire est prise en charge à 18 % par la Sécu, à 42 % par les complémentaires (mutuelles et assurances) et à 40 % par l'assuré social. En moyenne, le taux de dépassement atteint 91 %avec des pointes à 145 %, notamment à Paris. "Nous faisons du crédit gratuit tous les jours en prenant, par exemple, cinq chèques de 200 euros que l'on encaissera sur plusieurs mois", raconte le docteur Hescot.

Pour tenter de freiner ces dépassements d'honoraires, source d'inégalité dans l'accès aux soins, une nouvelle convention signée en 2006 a revalorisé les soins conservateurs mais n'a pas régulé les tarifs des prothèses. "Il est urgent que les choses évoluent et que les tarifs soient négociés entre les professionnels, les complémentaires et l'assurance-maladie", appelle de ses voeux Daniel Lenoir.

La carte de France des dépassements d'honoraires montre clairement qu'il vaut mieux se faire poser une prothèse à la campagne qu'en ville. "Comme pour les orthodontistes, les différences de tarifs font apparaître des excès non justifiés, pointe un responsable de l'assurance-maladie. Ces coûts pour les familles nous inquiètent beaucoup." Mais en ces temps de déficit budgétaire, les prothèses dentaires sont loin d'être une priorité...

Comment est calculé le prix d'une couronne ? "Un cabinet dentaire, c'est une entreprise", résume le docteur Hescot. Bref, le tarif est établi "en fonction des charges de fonctionnement (plateau technique, matériel, salaire de l'assistante...) et du revenu que le praticien souhaite avoir", poursuit-il. Quant au coût de fabrication de la couronne par le prothésiste, "il ne représente que 10 % du prix", jure le responsable de l'ADF.

Le patient, lui, peut toujours faire jouer la concurrence et s'adresser à un autre dentiste si le prix lui semble prohibitif. En outre, le praticien a l'obligation d'assurer le suivi de la pose d'une prothèse. "Si un patient est mécontent de sa couronne, son dentiste doit lui refaire et, en cas de problème, il peut aussi se tourner vers le Conseil national de l'ordre", rappelle Christian Couzinou.

De son côté, la Mutualité française a créé quelque 440 centres dentaires où exercent 1 600 dentistes salariés. La couronne céramo-métallique y est facturée 455 euros en moyenne. Quant à l'assurance- maladie, elle recommande aux assurés de consulter sur son site, Ameli.fr, les tarifs des professionnels de santé.

A terme, le besoin en prothèses pourrait diminuer, car la santé dentaire s'améliore. Grâce à une meilleure hygiène, le nombre de caries a été divisé par deux depuis vingt ans.

Sandrine Blanchard