Objectifs et méthodes.

1.1 Introduction :

Les applications médicales des rayonnements ionisants ont été un des facteurs
essentiels des progrès de la santé depuis un siècle. L’imagerie par rayons X en particulier, est
aujourd’hui un outil indispensable pour le diagnostic d’un grand nombre de pathologies,
l’orientation des traitements et leur suivi.
Ces bénéfices indiscutables pour les patients ne doivent pas néanmoins faire oublier
les risques potentiels liés à l’utilisation des rayonnements ionisants, et le fait que les
expositions d’origine médicale constituent la principale source d’irradiation d’origine
humaine de la population. Dans ce contexte, la réduction à leur minimum des risques liés aux
examens radiologiques (radioprotection des patients) est depuis de nombreuses années une
préoccupation des chirurgiens-dentistes, des stomatologues et des radiologues. La directive
97/43 Euratom du conseil de l’Union Européenne a fait de cette règle éthique une obligation
légale.
La transposition de cette directive en droit français est aujourd’hui achevée. Dans le
cadre de son application, la Direction Générale de la Sûreté Nucléaire et de la Radioprotection
(DGSNR), chargée par le Ministre de la Santé de mettre en oeuvre la réglementation en
radioprotection, a proposé en janvier 2004, la création d’un Comité de pilotage pour la
rédaction d’un guide de prescription et de réalisation des examens radiologiques en
odontostomatologie. Ce Comité associe les représentants des sociétés savantes et des
groupements professionnels aussi bien publics que libéraux, ainsi que deux membres de
l'HAS, chargés plus spécifiquement de proposer la méthode du consensus d'experts et d'en
contrôler l'application, et deux experts de l’IRSN, chargés plus spécifiquement des questions
dosimétriques.
La publication de ce Guide des indications et des procédures des examens
radiologiques en odontostomatologie est destinée :
- à orienter le choix du praticien vers l'examen le plus adapté à la pathologie
explorée, en l'impliquant dans le respect du principe de justification,
- à proposer lors de la réalisation de l’examen, une procédure optimisée et des
mesures de radioprotection adaptées.

1.2 La radioprotection des patients dans le code de santé publique :

La radioprotection des patients fait partie des obligations légales depuis l'ordonnance
2001-270 du 28 mars 2001 qui a transposé en droit français la directive 97/43 Euratom. Le
décret d'application 2003-270 du 24 mars 2003 a modifié le Code de la Santé Publique en
introduisant au livre 1er, titre 1er, chapitre V-I, une section 6 relative à la protection des
personnes exposées à des rayonnements ionisants à des fins médicales ou médico-légales. Ce
texte rend désormais obligatoire pour les praticiens demandant ou réalisant des examens
d'imagerie utilisant les rayonnements ionisants l'application des principes fondamentaux de
justification et d'optimisation.
La justification des actes est le premier principe de la radioprotection : c'est
l'opération établissant le bénéfice net d'un examen par rapport au préjudice potentiel lié à
l'exposition aux rayonnements ionisants.
L'optimisation des pratiques est le deuxième principe de la radioprotection.
Lorsqu'un examen utilisant les rayonnements ionisants est nécessaire (justifié), il doit être
optimisé: c'est l'opération permettant d'obtenir l'information diagnostique recherchée au
moyen de la dose d'exposition la plus faible possible.
Pour aider les praticiens à effectuer ces démarches de justification et d’optimisation,
l'article R. 1333-70 du Code de la Santé Publique prévoit que “le ministre chargé de la santé
établit et diffuse un guide de prescription des actes et examens courants exposant à des
rayonnements ionisants”, et l’article R. 1333-71 indique en outre que « des guides de
procédures de réalisation des actes… sont publiés et mis en jour en fonction de l’état de la
science. »
La méthode de travail utilisée pour construire ces documents est indiquée dans la
réglementation : le “Guide” est élaboré “en liaison avec les professionnels et en s'appuyant
soit sur les recommandations de pratiques cliniques établies par l'agence nationale
d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES)… soit sur l'avis concordant d'experts”.
Enfin, le dernier alinéa de l'article R. 1333-70 précise qu'il doit être “périodiquement mis à
jour en fonction de l'évolution des techniques et des pratiques” et faire “l'objet d'une
diffusion auprès des prescripteurs et réalisateurs d'actes”.
C’est pour répondre à ces exigences du CSP que le Comité de pilotage a entrepris la
rédaction du « Guide des indications et des procédures des examens radiologiques en
odontostomatologie », en faisant le choix de réaliser un document unique et non deux guides
séparés, étant donné le nombre limité de ces examens (inférieur à quinze). Ce guide est
destiné à tous les professionnels de santé habilités à demander ou à réaliser des examens
d'imagerie odonto-stomatologique. Il ne s’agit pas d’un document ayant un caractère
opposable, mais c’est un outil essentiel pour la mise en pratique des principes de justification
des actes et d’optimisation des pratiques.

1.3 La méthode du « consensus d’experts »:

Le Comité de pilotage a travaillé en plusieurs étapes selon la méthodologie fournie par
les représentants de l’HAS, qui est celle de l’obtention d’un consensus formalisé. Celle-ci a
été adaptée aux spécificités de la pratique française de l’odontostomatologie.
Phase 1 : Proposition des groupes de travail
Le Comité de pilotage a créé 5 groupes de travail selon différentes thématiques :
1- Justification clinique des examens en odontostomatologie.
2- Réalisation et optimisation des radiographies endo-buccales.
3- Réalisation et optimisation des radiographies exo-buccales (1er partie) :
panoramique dentaire, tomographies.
4- Réalisation et optimisation des radiographies exo-buccales (2ème partie) :
radiographies du crâne, sialographie.
5- Réalisation et optimisation des examens scanographiques.
Chaque groupe rédactionnel était coordonné par un rédacteur-animateur, membre du
Comité de pilotage et pouvait intégrer tous les collaborateurs nécessaires à la réalisation de
ses objectifs. Les représentants de l’IRSN ont plus particulièrement pris en charge les aspects
dosimétriques de l’optimisation.
En prenant comme base de départ le document européen « European guidelines on
radiation protection in dental radiology », chacun des 5 groupes a rédigé une première
version de la partie du guide correspondant à son sujet.
Plus précisément, le groupe de travail sur la justification clinique des examens en
odontostomatologie a listé les items d'entrée et complété la bibliographie par rapport aux
données déjà existantes sur le document européen.
La stratégie de recherche documentaire a compris :
- l’interrogation de la banque de données Medline à l’aide des mots clés suivants,
seuls ou combinés : radiography, radiation, radiology, X-rays, dental, dentistry,
intraoral, bitewing, panoramic, cephalometric, maxilla et mandible,
- l’identification des recommandations et conférences de consensus déjà existantes
sur 10 ans ; des revues systématiques de la littérature et des méta-analyses sur 5
ans.
Tout document émanant de propositions du Comité de pilotage, de la « littérature
grise », ainsi que tout article commandé à partir des bibliographies d’articles ont été
considérés comme des sources d’informations.
À la suite de cette compilation, les recommandations relatives aux indications ont été
rédigées en présentant l’argumentaire bibliographique, selon le guide méthodologique de
l'ANAES (HAS) : « Analyse de la littérature et gradation des recommandations ». Cette
méthode critique établit un classement hiérarchique des indications de l'imagerie odontostomatologique
selon l'expérience clinique et la démonstration de la preuve de la performance
des différents examens par des travaux scientifiques reconnus. Ce classement s'appuie sur
l'analyse des publications internationales selon une gradation scientifique.
Le grade de la recommandation est indiqué par la lettre A, B ou C.
- Grade A: preuve scientifique établie (études de fort niveau de preuve : par
exemple essais comparatifs randomisés de forte puissance et sans biais majeur,
méta-analyse d'essais contrôlés randomisés, analyse de décision basée sur des
études bien menées),
- Grade B : présomption scientifique (études de niveau de preuve intermédiaire :
par exemple essais comparatifs randomisés de faible puissance, études
comparatives non randomisées bien menées, études de cohorte),
- Grade C : faible niveau de preuve (études de moindre niveau de preuve : par
exemple études cas-témoin, séries de cas).
Par ailleurs, les 4 groupes de travail en charge de la rédaction des procédures ont
adopté le même plan type pour tous les examens :
- bref rappel des indications (sous forme de renvoi au chapitre consacré aux
indications),
- définition des requis diagnostiques (critères de qualité d’image),
- description de la procédure et paramètres techniques,
- optimisation des doses délivrées (niveaux de référence),
- conditions particulières.
Pour chacun des 13 examens sélectionnés, les rédacteurs ont proposé des procédures
standardisées, conformes aux bonnes pratiques, en indiquant les paramètres techniques sous
forme de « fourchettes » compatibles avec les performances des équipements actuels.

Phase 2 : Validation d’une première version du guide par le Comité de pilotage

Les recommandations rédigées par les groupes de travail ont été soumises au Comité
de pilotage comportant des spécialistes de l'imagerie odontostomatologique.
Les échanges par courrier électronique ont permis d’amender le travail initial. Chaque
version successive a été analysée lors des réunions plénières du Comité de pilotage,
commentée et les propositions de correction discutées. A la suite de chaque réunion, le groupe
rédactionnel concerné a fourni une version remaniée des recommandations qui prenait en
compte les remarques des participants et les apports bibliographiques.
Cette démarche a abouti à une première version consensuelle du guide.

Phase 3 : Relecture du document par des professionnels extérieurs au Comité de pilotage :

Un groupe de lecteurs de 65 personnes a été désigné après sollicitation de toutes les
instances professionnelles concernées par le sujet. Ces sociétés ont reçu un courrier les
invitant à désigner des relecteurs. L’ensemble de ceux-ci a été contacté par courrier pour
relecture du document final. Quarante quatre ont donné leur réponse, soit 68 % du total.
La relecture a permis :
i. Le vote de chacun des experts sur le caractère approprié ou non des
recommandations apportées dans le corps du texte « indications ». Le texte a été
subdivisé en recommandations élémentaires pour lesquelles un vote par cotation
de 1 (non approprié) à 9 (approprié) était demandé.

ii. L’obtention d’un avis sur les fiches procédures était acquise en utilisant une grille
de lecture globale portant sur le caractère scientifiquement pertinent des
informations délivrées, la clarté de la méthode mise en oeuvre ou la lisibilité du
document.

iii. L’apport de commentaires ouverts, ajoutés à la fiche de lecture, à la fois sur les
indications ou les procédures, sur tous les points spécifiques identifiés par les
lecteurs.
Les retours des questionnaires ont ensuite été compilés et les cotations des
recommandations sur les indications des examens ont été intégrées pour le calcul des
médianes des réponses. A l’occasion d’une réunion spécifique, les responsables des groupes
de travail ont revu l’ensemble des items pour lesquels la médiane était strictement inférieure à
7 et analysé tous les commentaires en vue de discussion et arbitrage.

Phase 4 : validation du document :
Le document final a été approuvé et validé par le Comité de pilotage en séance
plénière le 11 mai 2006.
Le schéma suivant illustre l’ensemble de la méthode suivie.


Schéma de la méthode d’élaboration du guide des indications et
des procédures des examens radiologiques en odontostomatologie.