Les Torus ou Torii de la cavite´ buccale, pourquoi ?
L’etymologie du torus remonte au latin. Ce terme evoquerait, soit un coussin, soit un epaississement (lump en anglais). En pratique, il s’agit d’une exostose. Epidemiologie des torii [1–3]. Les toriis sont, soit me´dians au niveau du palais, soit situe´s de part et d’autre de la face me´diale de la mandibule ; ces derniers sont parfois unilate´raux. Dans l’he´misphe`re nord, leur frequence serait d’un peu moins de 10 % des sujets, toutes localisations confondues. Elle serait plus importante autour de 8 % (6–40 %) pour les localisations mandibulaires et moins (1 %) pour les localisations palatines (< 1–20 %). Il y aurait une nette variation entre les populations, avec une fre´quence plus e´leve´e chez les populations blanches et jaunes (caucasiens, japonais, et surtout esquimaux et vikings [3] ; cette frequence e´leve´e permettant de suivre la migration de certaines populations en Islande, Groenland et meme en Ame´rique). Ces torii apparaissent durant l’adolescence et sont ensuite observe´s chez les adultes. Les torii palatins seraient plus fre´quents chez les femmes et les mandibulaires chez les hommes. Ceci ferait e´voquer que les toriis palatins et les toriis mandibulaires pourraient eˆtre de cause parfois diffe´rente. Torii et physiopathoge´nie. Certains patients associent pourtant les 2 localisations, palatine et mandibulaire (fig. 1a et b). Pourquoi ?
Theorie mecaniciste des torii. Une origine mecanique a ete evoque´e pour les torii mandibulaires alors provoque´s ou aggrave´s par des contraintes me´caniques exage´re´es, occlusales notamment, comme tout os [3,4]. Il est d’ailleurs fre´quent d’observer des abrasions dentaires de bruxomanie associe´es a` ces torii mandibulaires (fig. 2). Pour d’autres torii mandibulaires, ces contraintes pourraient eˆtre normales mais c’estla re´action osseuse qui serait excessive, faisant intervenir des facteurs ge´ne´tiques [5]. The´orie ge´ne´tique. L’origine ge´ne´tique des torii palatins est la plus probable avec 5 fois plus de « chances » d’avoir un torus palatin lorsque les parents en sont porteurs. Cette origine ge´ne´tique explique e´galement les localisations mandibulo-palatines. Elle explique la fre´quence similaire des torii palatins chez les vrais jumeaux [6] ou dans la meˆme famille. Une origine autosomique dominante a e´te´ propose´e [1]. En revanche, la the´orie endocrinienne ou me´tabolique des toriis n’est plus retenue [7]. Torii et pathologie. On sait e´galement que certains torii peuvent devenir pathoge`nes lorsqu’ils sont trop volumineux, au palais ou a` la mandibule, amenant a` des meulages afin de faciliter le port d’une prothe`se [8]. Inversement, ces torii peuvent parfois eˆtre utiles comme mate´riau de comblement [9]. Mais d’autres pathologies sont parfois associe´es, crispations des maˆchoires ou bruxomanie (fig. 2), pour les torii mandibulaires, ceci en accord avec la the´orie me´caniciste. Des lithiases de la glande submandibulaires peuvent eˆtre attribue´es, au moins en partie, a` des torii mandibulaires volumineux, parfois jointifs et constituant un cofacteur supple´mentaire geˆnant l’e´coulement anti-gravitationnel d’une e´paisse salive se´romuqueuse [10] ! Un cas d’oste´one´crose de torus palatinus a e´galement e´te´ de´crit chez un patient sous bisphosphonates [11]. D’autres localisations de torii existent-elles ? Dans la cavite´ buccale des exostoses peuvent eˆtre pre´sentes au niveau du vestibule des re´gions pre´molaires et molaires maxillaires (fig. 3). Il y a e´galement des toriis au niveau des autres os de l’organisme [4,12]. Les torii oraux sont-ils spe´cifiques de l’espe`ce humaine ? Chez les primates, les torii mandibulaires sont fre´quemment observe´s. Cette fre´quence varie selon les espe`ces de primates. La localisation mandibulaire est la meˆme chez les autres primates que chez l’homme, au niveau de face me´diale de la mandibule entre 2e pre´molaire et 2e molaire, avec une pre´- dominance pour la 1 re molaire [12]. Au total, il faut retenir que ces torii peuvent nous interpeller et nous faire re´fle´chir a` leur origine multifactorielle parfois dysfonctionnelle, notamment dans leur localisation mandibulaire. Inversement, les torii palatins d’origine ge´ne´tique ne ne´cessitent pas de bilan ni de re´flexion supple´mentaire.