« Pour en finir avec le mal de dos » - Rencontre à bâtons rompus entre deux spécialistes

 article paru dans le jouenal Denta Tribune France du mois de septembre
PARIS, France : Le Dr Bernadette de Gasquet est Médecin et professeur de yoga, elle associe dans son travail l’approche corporelle, les savoirs traditionnels et la médecine moderne. L’approche du Dr de Gasquet a des applications non seulement dans la maternité mais dans le travail des abdominaux, la protection du dos, du périnée, la relaxation, la respiration, les problèmes de transit et concerne tous les âges de la vie. Connue à travers ses livres et la presse grand public, Bernadette de Gasquet fait aussi école auprès des professionnels de santé tels que les kinésithérapeutes et les sages femmes, mais est très peu connue chez les chirurgiens dentistes. À l’occasion de la sortie de son nouveau livre « Pour en finir avec le mal de dos », il était intéressant de faire cet interview pour présenter au monde de la chirurgie dentaire cette personne qui propose des choses originales et différentes. Elle va à l’encontre des dogmes classiques, grâce à une réflexion pragmatique et intelligente sur le fonctionnement de notre corps.Nouvelle chirurgie du dos

Ma volonté de vous proposer régulièrement dans Dental Tribune une ergonomie différente du suivisme qui colporte des idées reçues ; trouve ici son écho dans la vision révolutionnaire de Bernadette de Gasquet lors de la prise en charge des problèmes de dos.
David Blanc : Vous connaissez notre métier en tant que patiente, l’image que vous en avez correspond à celle que le praticien que consultez-vous renvoie, mais j’aimerai connaître votre vision de notre profession !
Bernadette de Gasquet: Vous faites un travail assis, et relativement haut ce qui n’est pas forcément une bonne chose. Le problème de la position assise jambes pendantes est que cela gêne la circulation du sang. Ensuite il y un problème de lutte contre la gravité. Il n’y a pas d’effort de redressement antigravitaire alors que le travail se fait en flexion. Il y a trop de choses à penser pour lutter volontairement contre la gravité. C’est le problème de toutes les postures assises. Alors que debout les muscles sont obligés de travailler contre la gravité à minima, assis on s’effondre, les muscles du dos, les abdominaux se relâchent .Il y a inversion des courbures lombaires et cervicales, le rachis se retrouve entièrement en flexion.
Dans cette position le diaphragme ne bouge pas correctement, il n’y a pas de mouvement suffisant pour aider les mouvements du transit intestinal et gastrique, cela gêne la digestion, et limite l’oxygénation.
A cela se rajoute l’asymétrie de position avec une rotation du tronc. Le travail se fait avec une main dominante, or le travail des mains est hyper important avec sa conséquence sur les muscles du membre supérieur, les fixateurs de l’omoplate qui se trouvent sur le rachis. Le risque est de créer des tensions pour chercher à voir à l’intérieur de la cavité buccale.
Lors de mes formations en ergonomie dentaire je remarque qu’il y a plus de femmes dans l’auditoire. Pensez vous que les hommes et les femmes soient égaux devant ces problèmes de dos?
Non, les douleurs apparaissent surtout chez les femmes, parce qu’en général elles sont plus laxes. Les hommes ont moins de problèmes, car la musculature est plus importante ce qui limite la mise en tension ligamentaire, je pense que les problèmes arrivent plus tard, quand il y a un déséquilibre musculaire installé.
La position assise inverse donc les courbures lombaires et cervicales, cela fait le «dos rond», faut il aller dans l’autre sens et rechercher une lordose lombaire? Les selles qui cherchent à redonner une lordose lombaire sont elles une bonne solution ?
Surtout pas ! Il ne faut ni amplifier ni inverser les courbures, mais les diminuer. C’est l’erreur habituelle : lordoser ou cyphoses au lieu d’étirer. Il faut aplanir la sinusoïde rachidienne, déplier l’accordéon… Si le siège est suffisamment bas, le dos va être le plus plat possible, il n’y a plus de creux lombaire, il n’y a plus de tensions. A l’inverse de ce que l’on entend régulièrement, il faut une flexion de hanche égale ou pourquoi pas légèrement supérieure à 90° pour neutraliser la lordose. La lordose gêne aussi le mouvement du diaphragme, et précipite les viscères vers l’avant et le bas.
Que faut il faire ?
Il va falloir éloigner les épaules du bassin, ce qui aligne les lombaires au lieu de plier sur cette charnière, tantôt dans un sens, tantôt dans l’autre, ce qui comprime les disques. Il est fondamental d’obtenir un massage des viscères par le diaphragme. Il faut éviter de croiser les jambes, ce que l’on fait en général, toujours du même côté. Cela finit par un décalage au niveau sacro-iliaque équivalant à une « fausse jambe courte»; La position assis/debout est intéressante, en alternance avec la position basse, avec un appui au niveau du sacrum. On a alors un travail des jambes qui repoussent le sol. Il est bénéfique d’alterner les positions.
Vos livres et vos formations conseillent beaucoup d’exercices, que conseilleriez vous au chirurgiens dentistes qui souffrent encore du dos ?
Il faut aller contre votre posture habituelle, il faut aller vers l’extension et la rotation externe des membres supérieurs.
Il existe une posture de relaxation, de mise à plat du rachis. C’est presque une posture magique. Il vous faut une chaise, et vous allez vous allonger par terre, les mollets sur la chaise, et vous allez glisser par terre pour rapprocher les fesses de la chaise jusqu’à ce que les hanches soient un peu plus fléchies que 90° jusqu’à vous retrouver légèrement en suspension par les mollets. Selon votre taille rajoutez un coussin sur le siège. Ajoutez un coussin sous l’occiput si votre menton pointe vers le plafond, ce qui veut dire qu’il y a une hyperlordose cervicale, peut être due à une musculature des épaules et du haut du dos, surtout chez les hommes. Le coussin doit être sous l’occiput et ne pas recréer de lordose. Parfois les mains l’une dans l’autre, sous l’occiput suffisent.
Ceci jusqu’à se retrouver le plus plat possible, le plus allongé possible. C’est une posture passive, qui permet de relâcher les tensions, et d’améliorer la respiration. Vous pouvez la garder 5 minutes. Un autre exercice intéressant est un étirement que vous pouvez réaliser au cabinet : Assis, posez les avant bras sur votre bureau ou sur votre unit. Le front est posé sur les mains, et vous reculez votre siège jusqu’à ce que le dos soit bien aligné. Cela étire le devant et le dos. Le ventre est dans le vide, comme dans le quatre pattes ; La respiration est abdominale spontanément, ce qui est la signature d’une posture juste avec rachis étiré.
Si vous disposez d’un siège pivotant vous allez pouvoir vous tourner du côté opposé à ce que vous faites habituellement. Si vous travaillez en flexion inclinaison droite et rotation gauche comme la plupart des droitiers qui travaillent à 9h, recherchez une hyper-extension inclinaison gauche et rotation droite pour compenser la posture de base.
Vous êtes spécialisée dans la prise en charge des problèmes de périnée, et connue pour votre volonté à solliciter un de nos muscles abdominaux trop peu connu: le transverse! Ce qui vous a amené à écrire votre best seller «Abdominaux, arrêtez le massacre! » Comment faire travailler ce muscle ?
Tout le monde parle aujourd’hui du transverse. C’est le mot magique ! Je suis un peu responsable avec ce livre paru en 2003 de la remise en cause des crunch et autres exercices de raccourcissement des grands droits.
Mais pour beaucoup et Pilates entre autres le transverse dont il est question est un muscle abdominal, mais qui concerne la partie dorsale. En avant il s’agit d’une aponévrose. Aucun muscle ne fait le tour du ventre !
Si on contracte ce transverse, c’est un serrage volontaire, phasique, bref, qui resserre la ceinture au niveau du nombril. Ce qui a tendance à plier en deux, à faire descendre un peu le sternum et surtout à réaliser une poussée vers le bas. C’est ce que j’ai appelé le tube de dentifrice… si on serre au milieu il y a une résultante vers le bas, donc le périnée, ce qu’il faut éviter à tout prix.